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Mehrangiz Kar


awarded Ludovic Trarieux Prize 2002 in PARIS

 Mehrangiz Kar

Mr Guy Canivet, the President of the French Court of Cassation
congratulates Mrs Mehrangiz KAR after presenting the award .

Photo J.R.T.

 Read also : Mehrangiz KAR, Prize Winner INTERNATIONAL HUMAN RIGHTS LUDOVIC TRARIEUX PRIZE 2002

Mrs Mehrangiz Kar, was presented on Thursday October 24th 2002 the 2002 Ludovic Trarieux" Prize for International Human Rights and was promised that France and European lawyers would do their best supporting their Iranian colleagues.

Presenting the award, Mr Guy Canivet, the President of the French Court of Cassation said the Prize represented the recognition of France’s highest jurisdiction instance for her unabated struggle for human rights, justice and freedom.

Mr. Guy CANIVET, said,  giving to Mehrangiz Kar the golden Medal and the diploma of the Prize :  'There is no rule of law without freedom of expression. Judges must be independent and impartial and we don't recognize judgements as for you and your husband Siamak Pourzand, who is to day in jail in Iran, pronounced  by  courts not  complying with rights of the defence and human rights. Human conscience cancels such  decisions of the judiciary given against universal law".

"This Prize is in recognistion of your indefatigable struggle for human rights in Iran, the land known for its high culture and humanism. For you who, during tempests, have kept your head up, defending people’s rights to freedom and justice", one of the speakers observed amidst warm applause from a distinguished audience.

"The same as the land of Goethe and Schiller created Nazism and Hitler and gulags went up in the land of of Tolstoy and Pushkin, the land of great poets such as Ferdowsi, who started his book of the Kings with a dedicate to "the One who created soul and intelligence" is now under the yoke of darkness", one speaker observed during the emotion-bound ceremony.

Receiving the Prize, Mrs. Kar said the support lawyers everywhere, particularly in Europe, could extend to their Iranian colleagues who live under harsh working conditions would be of a great comfort and also helps the implementation of justice and freedom.

In her brief, thanking speech, Mrs. Kar described the difficult conditions under which Iranian lawyers work and said right now seven of them are in jail while the work permit for one hundred others had been cancelled by the Judiciary, a power, she said, is the stronghold against human rights, justice, democracy, the rights of the women and youngsters.

She said since the election of Mr. Mohammad Khatami as President, the situation for human rights activists have become even more difficult, the regime having shut more than 80 titles and placed behind bars some twenty prominent journalists." (IRAN PRESS SERVICE)

The Ceremony Award: (Please clicj on the link)


  • 1.Speech by M. Andréas KALOGEROPOULOS, ancien Juge au Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, Président de l’Union des Avocats Européens

  • 2.Speech by Monsieur Gilbert AZIBERT, Directeur de l'Ecole Nationale de la Magistrature

  • 3. Speech by Monsieur le Bâtonnier Thierry WICKERS aux lieu et place de Monsieur le Bâtonnier du Barreau de Bordeaux

  • 4.Speech by Mr Joë LEMMER, Secrétaire général de l'IDHAE, Secrétaire général de l'UAE

  • 5. Adresse by M. le bâtonnier Georges FLECHEUX, Président de l'Institut des Droits de l'Homme du Barreau de Paris

  • 6. Speech by Monsieur le Bâtonnier Bertrand FAVREAU, Président de l'IDHBB, Président de l'IDHAE.

  • 7.Speech by Monsieur Guy CANIVET, Premier Président de la Cour de Cassation

  • 8. Speech by Mrs Mehrangiz KAR In acceptance of the 7th Ludovic Trarieux Human Rights International Prize

     


     

    Speech by  

    Monsieur le Président Andréas KALOGEROPOULOS

    ancien Juge au Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, Président de l'Union des Avocats Européens.

     

    Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats,

    Messieurs les Présidents,

    Messieurs les Bâtonniers,

    Chers Confrères,

    Mesdames, Messieurs,

    Ma génération, ayant pris conscience sociale et politique dans l'après guerre, a lonqtemps cru à un développement linéaire et à un progrès social et économique sans interruption possible.

    Elle a surtout cru, dans un sentiment d'optimisme et d'assurance que l'après guerre a suscité dans la plupart des pays européens, que les droits de l'homme et les libertés publiques inscrits dans les constitutions et les conventions internationales ne seraient plus menacés.

    Que ces droits et ces libertés resteraient acquis à jamais à l'Occident, destinés à être garantis dans le reste du monde.

    Si ces perspectives n'ont pas été démenties depuis, elles ont, tout au moins, été rendues incertaines dans plusieurs endroits du monde, y compris l'Europe.

    Cette génération de l' après guerre, arrivée en maturité, a compris, à l'instar des générations qui l'ont précédée, et certainement de celles qui suivront, que les droits de l'homme, comme la civilisation elle-même, ne sont jamais définitivement conquis.

    Que chaque jour, chaque homme et chaque société doit se battre, doit veiller pour s'assurer de leur respect et célébrer leur triomphe dans les faits'et dans les coeurs.

    C'est donc avec une grande émotion que je participe aujourd'hui, en ma qualité du Président de l’Union des Avocats Européens, à cette cérémonie de célébration des droits de l'homme par la remise du Prix Ludovic Trarieux à une combattante pour ces droits.

    Madame KAR, dont la vie est remplie de courage moral et spirituel, de résistance à la force d'oppression du pouvoir et des triomphes de la volonté humaine, triomples qu'elle obtient quand cette volonté décide de rester fidèle à son origine et constante dans ses objectifs.

    Respectueux et admiratif devant les faits que vous avez accomplis et accomplissez, devant vos « faits d'armes » moraux, en défense des droits de l'homme et de la femme, si vous permettez cette tautologie, je suis fier de m'associer, d'associer le voix de l'Union des Avocats Européens, à l'hommage qui vous est rendu aujourd'hui par les Juristes français et européens et par tout homme et femme qui aspire à une liberté partagée par tous les êtres humains.

     


     

    Speech by  

    Monsieur Gilbert AZIBERT

    Directeur de l'Ecole Nationale de la Magistrature.

     

     

    Monsieur le Premier Président, Mesdames et Messieurs les Présidents,

    Messieurs les Bâtonniers,

    Mesdames et Messieurs,

    Depuis 1985, le prix international des droits de l'Homme, ou prix Ludovic TRARIEUX, ainsi dénommé en souvenir du défenseur des droits de l'homme ardent et convaincu que fut ce brillant avocat, devenu plus tard garde des Sceaux, est décerné tous les deux ans à un avocat ayant illustré par son oeuvre, son témoignage, ou son engagement personnel la défense du respect des droits de l'Homme.  Vous avez bien voulu inviter l'Ecole Nationale de la Magistrature à  participer à la cérémonie de remise de ce prix, et je suis heureux et ému de me trouver à vos côtés aujourd'hui.

     

    Emu en premier lieu de voir l'Ecole Nationale de la Magistrature associée à l'hommage rendu au lauréat que vous avez distingué: Madame Mehrangiz KAR, avocate au barreau de Téhéran.  Par votre engagement professionnel et personnel, et avec une détermination sans faille depuis plus de vingt ans, vous avez, Madame, servi la cause des femmes dans un contexte où leurs droits étaient niés, vous avez combattu pour la cause des plus faibles, des enfants, souvent les premiers sacrifiés lorsqu' aucune voix ne s'élève pour parler en leur nom.

     

    vous avez rappelé avec courage et malgré les menaces et les intimidations, que chaque Homme est titulaire de droits fondamentaux, dont la reconnaissance et le respect sont la marque indélébile de toute démocratie.

     

    Le premier titulaire du prix international des droits de l'Homme avait été, en 1985, Monsieur Nelson Mandela.  A sa suite, va maintenant figurer le nom de Madame Mehrangiz KAR, et il faut souhaiter que ce choix contribue à faire avancer la cause qu'elle a défendue et continue à défendre avec courage.

     

    Mais au delà de l'émotion que provoque nécessairement l'évocation du combat mené par Madame KAR, je suis particulièrement sensible au fait que lorsqu'il est question des droits de l'Homme et de leur défense, l'école en charge de la formation des magistrats français soit sollicitée et présente aux débats.

     

    C'est en effet au juge que la démocratie confie le rôle de gardien des libertés, et cette mission implique des exigences fortes, qui composent aujourd'hui un corpus de règles largement partagées au delà des frontières : impartialité, respect du contradictoire, principe d'égalité entre les parties, respect de délais raisonnables, droit à une défense.

     

    A nous, juristes pétris d'une culture commune, ces principes paraissent relever de l'évidence . Nous les enseignons aux auditeurs de justice, nous nous attachons à inculquer à ces futurs magistrats le respect du justiciable, de tout justiciable, quels que soient son sexe, son origine, sa culture, quel que soit son statut d'auteur d'infraction, ou de victime, et à ne jamais oublier que tout être humain conserve, dans tous les cas, le droit d'être considéré comme tel par son juge.

    Et pourtant, dans nos pratiques quotidiennes, nous savons par expérience combien il est parfois délicat de mettre en oeuvre ces principes et d'assurer leur respect.

     

    Où est ce respect dans les heures d'attentes parfois imposées aux justiciables et aux avocats dans les auditions parfois trop superficielles ou à la chaîne, dans les décisions insuffisamment motivées et mal comprises, dans certaines motivations maladroites et inutilement blessantes pour le justiciable ?

     

    Face à la multiplication des contentieux et aux impératifs de gestion de flux de dossiers de plus en plus importants, nous devons garantir au justiciable une qualité de service public qui passe par le respect de ces principes, à la fois simples et exigeants.  J'ai conscience qu'il s'agit là d'un défi difficile à relever.  L'école que j'ai l'honneur de diriger s'est résolument engagée dans une réflexion en profondeur sur ces questions.

     

    Tout naturellement en effet, l'Ecole Nationale de la Magistrature se situe ici en première ligne, tant sur le terrain de la formation initiale , que dans l'accompagnement des magistrats tout au long de leur carrière.

     

    Ce défi, les magistrats ne pourront le relever seuls.

     

    Seuls, c'est à dire sans les partenaires naturels du juge ou plus exactement de la justice que sont les avocats, tant il est vrai qu'il ne saurait y avoir de justice digne de ce nom sans l'existence d'une défense libre.

     

    C'est donc aujourd'hui une grande joie pour moi que de me trouver dans cette maison du barreau, aux côtés des Bâtonniers de Paris et Bordeaux, et de très nombreux avocats pour lesquels ils le savent j'ai le plus grand respect, et je souhaite leur dire que notre école leur est largement ouverte.

     

    Au delà des corporatismes réducteurs, c'est par ce dialogue, ces échanges et cette volonté commune d'aller de l'avant que nous apporterons notre contribution au respect des droits de l'Homme.

     

    Permettez moi Madame de vous rendre hommage au nom des magistrats de demain qui auront en charge de rendre la justice, vertu conférée à des hommes lesquels jamais ne devront oublier qu'ils jugent des hommes que ceux-ci ont des droits inaliénables et que toute démocratie implique le respect des droits de la défense.

     

     

    Gilbert AZIBERT

    Directeur de l’Ecole Nationale de la Magistrature

     


     

    Speech by  

    Monsieur le Bâtonnier Thierry WICKERS

    aux lieu et place de M. Bâtonnier du barreau de Bordeaux.

     

     

    « Je dois à l'absence du Bâtonnier DELAVALLADE, actuellement à BARCELONE, de participer pour la deuxième fois consécutive à la remise du prix Ludovic TRARIEUX.

     

    Je voudrais m'adresser d'abord à vous, ma chère consoeur, pour me réjouir de votre présence au milieu de nous ce soir - il n'est pas si fréquent, hélas, que le lauréat du prix puisse assister à sa remise – et vous dire l'admiration, et la reconnaissance du Barreau de BORDEAUX, pour votre combat au service des Droits de l'Homme.

     

    C'est ensuite à mes confrères bordelais, et plus spécialement au Président et aux membres de l'IDHBB, que je voudrais dire l'attachement du Barreau de BORDEAUX, leur Barreau, au prix Ludovic TRARIEUX, et à l'œuvre qu'ils poursuivent depuis bientôt 20 ans.

    Je me réjouis de ce que le soutien du Barreau de PARIS puisse donner cette année à la remise du prix un lustre particulier, même si l'Ecole Nationale de la Magistrature reste un très bel endroit pour accueillir cette cérémonie.

     

    A tous ceux qui sont ici présents, nous les privilégiés qui avons reçu les Droits de l'Homme en héritage ; parce que l'expérience révèle que les régimes totalitaires n'aiment pas être présentés sous leur véritable jour ; et qu'il leur arrive alors parfois de reculer, devant le courage d'une Mehrangiz KAR. »


    Speech by

    Me  Joë LEMMER,

    Avocat au barreau de Luxembourg

    Secrétaire général de l’IDHAE et de l’Union des Avocats Européens

     

    Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,

    Mesdames et Messieurs les Magistrats,

    Messieurs les Bâtonniers,

    Mes Chers Confrères,

    Mesdames,

    Messieurs,

    Chère Lauréate,

     

    Lorsque le Président de notre Institut, Maître Bertrand FAVREAU, m’a demandé de tenir  un discours à l’occasion de la remise du prix Ludovic TRARIEUX de cette année, la première question que je me suis posée, au risque de vous étonner, est celle de la langue dans laquelle je tiendrai ce discours.

     

    En effet la remise de ce prix, qui est un prix international, se fait en France, devant un public somme toute largement composé de Consoeurs et de Confrères français.

     

    D’un autre côté, et dans la mesure où il s’agit d’un prix international, je me suis demandé s’il ne serait pas opportun de tenir l’intégralité du discours dans la lingua franca des temps modernes, c'est-à-dire l’anglais.

     

    Etant incapable de prononcer un discours dans la langue de notre lauréate, le farsi, et n’étant pas sûr que celle-ci comprenne le français, j’ai opté pour un discours, que je vous assure très bref, à la fois dans la langue de Shakespeare et de celle de Voltaire.

     

    The first part of my speach will be in English. The second part will be in French.

     

    When this year’s jury for the Ludovic Trarieux price met last June at the Paris Bar, the choice of who would be this year’s winner seemed very difficult at first sight.

     

    Almost all of the candidates who were proposed by national and international human rights organizations deserved a recognition for their work in the field of human rights.

    Almost all of our colleagues who were candidates to the price have to work and live under very difficult circumstances, trying to hold high the principles of liberty of expression, freedom and defence right where the regimes in power often try to eliminate or at least to reduce.

     

    All those candidates , among who Zhou Litai (China),Yawovi Agboyibo (Togo), Suon Visal (Cambodgia), Sevil Dalkikic (Turkey) deserve that we honour again their commitment or obligation as lawyers and as humans for human rights and all of them deserve our support and recognition.

     

    Among all those candidates we had to choose one laureate for this year.

     

    The choice wasn’t easy but we made it.…

     

    I would like, only in the first part of my speech, to point out a few aspects which I will shortly mention : The condition of women, the freedom of expression, the presumptions of innocence of prisoners , the role of the church in the State and society.

     

    I have chosen to develop shortly 2 of those problems, mainly the condition of women and the role of the Church in the State and society.

     

    In the second part of my speech, I will try to show what could be the role of an European Human Rights policy.

     

     

    I.      REFLEXIONS SUR DEUX ILLUSTRATIONS : QUELQUES EXEMPLES DE LA LUTTE EN FAVEUR DES DROITS DE L’HOMME

     

    A.        la condition féminine :

     

    L’article 23 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (Conseil Européen tenu à Nice en date du 7 décembre 2000) garantit l’égalité de l’homme et de la femme.

     

    Dans nos Etats existent souvent des Ministères de la Condition Féminine ou des Ministères de la Femme.

     

    Des discriminations « positives », c’est à dire « à rebours », sont en train d’être introduites en Europe à l’instar des Etats-Unis, visant à garantir la présence des femmes notamment dans les partis politiques.

     

    La tentation est dès lors forte de se porter en donneur de leçons sur des systèmes comme celui de l’Iran où les droits de la femme, qui sont à comprendre comme les droits les plus élémentaires de la personne humaine, ne sont pas ou du moins pas toujours respectés.

     

    Il est vrai que toute comparaison dans notre Histoire récente fait défaut, et cela dépasse notre imagination d’entendre ou de lire que l’on refuse à une prisonnière de boire de l’eau potable seulement parce que c’est une femme.

     

    De telles exactions, que l’on ne saurait tolérer si elles étaient pratiquées à l’encontre d’un animal, ni à plus forte raison à l’encontre d’un être humain, ne sont justifiables par aucune religion ni par aucune morale mais relèvent d’un pur sadisme.

     

    Je ne pense vraiment pas qu’il faille être féministe pour critiquer de tels traitements inhumains.

     

    Il relève dès lors du mérite  de dénoncer, d’attaquer et d’informer de l’existence de telles pratiques qui frôlent la torture, et de lutter pour une amélioration des conditions des femmes en Iran.

     

    Inutile de répéter que si en Europe la condition de la femme n’a pas frôlé ce que vous décrivez, « l’égalité des sexes » qui est en train de se parfaire est propre à la fin du 20ème siècle.

     

    Il suffit de relire certains passages de la pièce critique intitulée « La maison de Bernarda » de l’auteur espagnol Federico Garcia Lorca , datant de 1956, pour apprendre quelle était la condition de la femme en Espagne au milieu du 20ème siècle.

     

    Ainsi, le critique Garcia Lorca fait-il dire à son personnage principal, Bernarda ,mère de bonne famille qui donne à ses filles en âge de se marier le conseil suivant, résume très bien cette situation :

     

     « Hilo y aguja para la hembra, látigo y mula para il varón »…

     

    Ce qui signifie en français : « le fil et l’aiguille pour la femme, le fouet et la mule  pour l’homme. C’est la règle dans les bonnes familles ».

     

    Nous sommes dès lors à cette époque encore très loin des acquis de l’arrêt DEFRESNE c/SABENA, de la jurisprudence et des textes légaux européens actuels (Charte Européenne des Droits de l’Homme du 7 décembre 2000).

     

    Une autre critique formulée par notre lauréate concerne le rôle de l’Eglise et des instances religieuses.

     

    B.        la dénonciation du rôle de l’église dans la société et dans l’état :

     

    A ce sujet, les mots suivants de notre lauréate à propos de la religion sont particulièrement révélateurs :

     

    « En Iran le statut de la femme n’est pas une question de droit ou de loi, mais une question de religion, qui fait partie intégrante de la culture en Iran et par conséquent, du système juridique de la République Islamique d’Iran »

     

    Ces mots prononcés à propos de la condition de la femme, et qui pourraient également être prononcés à propos des autres méconnaissances des libertés individuelles telles que la liberté d’expression et le droit à la présomption d’innocence, résument à eux seuls une bonne partie des exactions contre les Droits de l’Homme, lesquelles nous condamnons.

     

    Elle rappelle étrangement une citation de John Neville Figgis dans « Etudes sur la pensée politique de Gerson à Grotius, 1414-1625 » Cambridge 1907, que j’ai trouvé dans un ouvrage de Louis Dumont « Essais sur l’individualisme : une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne » (Ed. Seuil, Essais Points, p 90) :

     

    « Au Moyen-âge l’Eglise n’était pas un Etat, c’était l’Etat, ou plutôt l’autorité civile (car une société séparée n’était pas reconnue) était simplement le département de police de l’Eglise (…). »

     

    La conception prévalant dans le système moyen-âgeux décrit par Figgis  et la conception iranienne décrite par notre lauréate nous paraissent voisines.

     

    En fait la situation en Iran paraît assez contradictoire pour un occidental, étant donné que s’y trouvent « toutes sortes d’interdits mais aussi une volonté de réformer le pays » (à la Une : Madame Lydie POLFER in « Bulletin d’Information et de Documentation N° 2/2002 avril-mai-juin 2002 pages 62 et suivantes).

     

    Madame le Ministre luxembourgeois des Affaires Etrangères (Mme Lydie POLFER) a, dans un entretien accordé à la suite de son voyage en Iran, tenu les propos suivants :

     

    « D’un côté il y a la « démocratie religieuse » : le pouvoir religieux ancré dans les institutions du pays. Il peut prendre des mesures juridiques si des lois votées par le Parlement ne sont pas en accord avec l’Islam ».

     

    « De l’autre côté, une société critique face à ce système, qui manifeste clairement ses positions. La volonté de réformer le pays est présente chez une grande partie de la population ».

     

    « Les dernières élections en auraient témoigné, le Président KHATAMI se posant en faveur de réformes » (ibid p. 62).

     

    Quelles conclusions pourrions-nous en tirer ?

     

    Certainement que la situation en Iran est plus complexe qu’il n’apparaît à première vue.

     

    Ne serait-il pas une erreur de se détourner de ce pays en isolant les forces progressistes en Iran, risquant de radicaliser le grand pays dans une région où l’équilibre géopolitique est extrêmement fragile…

     

    C’est une question que l’on se posera dans la seconde partie de cet exposé.

     

    Ces exemples sont certes largement insuffisants pour résumer l’œuvre de notre lauréate. Ils doivent néanmoins nous faire réfléchir sur ce que peut être le rôle d’une diplomatie européenne des Droits de l’Homme.

     

    II.        une diplomatie européenne des droits de l’homme au secours des droits de l’homme en Iran ET DANS LE MONDE :

     

    Cela signifie-t-il pour autant que l’Union Européenne doive, dans sa politique étrangère, qui est encore toute à faire, ne plus traiter avec l’Iran et laisser l’Iran à sa conception que nous qualifierons d’obscurantiste ?

     

    Doit-elle (ou les pays qui la composent) en revanche adopter une position de « business first » et sacrifier les Droits de l’Homme sur l’autel d’un affairisme mal compris ?

     

    Je pense que les deux positions seraient une gifle dans le visage de tous nos Confrères ou de notre Consoeur et plus largement toutes les forces modérées ou progressistes qui luttent pour une « ouverture » politique et juridique en Iran.

     

    Ce serait isoler un exécutif et législatif sous l’impulsion du Président KHATAMI, qui essaie d’améliorer les choses contre un pouvoir judiciaire et religieux encore entre les mains des « mollahs » et donc des religieux qui, d’une façon peu démocratique, voire totalitaire, bloquent toute réforme en vue d’une libéralisation (cf supra I B au sujet de la démocratie religieuse).

     

    Il faut dès lors intervenir par la voie diplomatique afin de soutenir les opposants et les forces progressistes en Iran.

     

    Dans ce but, Madame Lydie POLFER, Ministre luxembourgeois des Affaires Etrangères, a effectué un voyage en Iran, dont j’ai parlé ci-dessus et ce, sur invitation expresse de son homologue iranien Kamal Kharrazi.

     

    Cette visite du Ministre luxembourgeois s’inscrit dans la ligne de ses homologues européens. Ainsi, sans les jours suivants la visite de Madame POLFER, était attendu en Iran le Ministre belge des Affaires Etrangères Louis MICHEL (ibid à la Une p. 63).

     

    Monsieur le Premier Ministre luxembourgeois Jean-Claude JUNCKER n’hésite pas, quant à lui, à se rendre en Chine. Mais au cours des négociations bilatérales entre la Chine et le Luxembourg à parler tant de la défense des Droits de l’Homme que des prochains contrats Arcelor ou SES-ASTRA.

     

    Ces démarches qui ont, à tort, été critiquées alors que ce n’est que par le dialogue que l’on peut faire progresser les Droits de l’Homme et tenter de convaincre qu’il faut « rendre à César ce qui est à César » et à Dieu ce qui est à Dieu…

     

    La question que vous nous poserez ? Que peut faire un petit pays comme le Luxembourg face à des géants comme la Chine et l’Iran ?

     

    Seul, peut-être pas grand chose, pas plus en tout cas que le Danemark, l’Espagne ou l’Autriche.

     

    Pas grand chose,… mais il en est autrement si les personnes parlent au nom de l’Union Européenne. Il est humain d’écouter plutôt une personne qui représente 300 millions de personnes (ou devrais-je dire de consommateurs), qu’une personne qui en représente 500.000.

     

    « Nous (Luxembourg) n’avons pas l’intention de conduire une politique étrangère indépendante de celle de l’Union Européenne. Or, nous avons un rôle différent à jouer . Quand nous cherchons le dialogue, ce n’est pas pour des raisons économiques » (ibid à la Une p. 63).

     

    Ces mots réjouissent et attristent à la fois ;

     

    L’Union Européenne qui porte tant d’attachement aux Droits de l’Homme à l’intérieur de ses frontières (notamment quand il s’agit d’un élargissement) devrait être elle-même porteuse du message des Droits de l’Homme et parler d’une seule voix au lieu de se soucier des relations économiques en laissant le soin aux diplomaties des pays membres de « parler » de Droits de l’Homme.

     

    Il serait dès lors peut-être judicieux de renforcer encore les efforts en vue d’une future diplomatie de l’Union Européenne, laquelle est encore tout à créer afin de porter le message des Droits de l’Homme.

     

    Encore un sujet pour la Convention Européenne devant donner naissance à une Constitution pour notre Union Européenne…

     

    Je vous remercie de votre attention.


     

    Adress by 

    M. le bâtonnier Georges FLECHEUX,

    Président de l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Paris.

     

    Madame,

     

    L’Institut de Formation en droits de l’Homme du Barreau  de Paris, fondé par le Bâtonnier Louis Edmond PETTITI, est très heureux et très honoré de vous recevoir ici à Paris, au milieu de notre Barreau, pour la remise du prix qui récompense la lutte que vous avez engagée pour défendre les droits de l’Homme dans ce pays de grande culture et de haute civilisation, l'Iran.

     

    Vous y avez pourtant  subi des souffrances comme tous les persécutés.  Mais vous n'avez pas courbé l’échine.

    Vous supportez l'exil et voire mari la prisons

    Nous ne pouvons que nous incliner devant une vertu trop rare - le courage.

     

    Bâtonnier  Georges FLECHEUX


     

    Speech by  

    Monsieur le Bâtonnier Bertrand FAVREAU

    Président de l'IDHBB et de l'IDHAE.

     

    « Personne ne comprendrait que je ne m'adresse pas d'abord à vous, Madame, qui êtes venue de loin, jusqu'à nous, pour vous dire quelle est notre émotion et notre fierté de vous accueillir ici, vous qui êtes ce soir l'unique centre de notre attention, à l'instant où l'on va vous remettre ce prix.

    Plusieurs orateurs qui m'ont précédé ont tenu à rappeler que ce prix était né à Bordeaux et cela ne saurait vous étonner, vous, Madame qui appartenez dans votre pays à la République des lettres, que ce prix vienne de la patrie de l'auteur des " Lettres Persanes " .

    Notre présence en ce lieu ce soir est cependant, aussi, l'occasion de rappeler, dans cette enceinte qui porte son nom la mémoire du Bâtonnier Louis Edmond PETTITI, qui fût à plus d'un titre un fidèle de ce prix depuis sa création

    Il y a 17 ans il a été membre du premier jury, aux côtés notamment de Jacques CHABAN DELMAS, Adolphe TOUFFAIT ou Yves JOUFFA, pour ne citer que ceux qui nous ont quittés. L'un de ces derniers actes publics a consisté à venir remettre ce même prix en octobre 1998. Il nous a montré la voie.

     

    Une telle cérémonie ne devrait pas égrener des souffrances encore proches ou de si récents tourments.

    Pourtant, ceux qui sont présents ici, s'ils ne le savent déjà ont le droit de connaître ce que fut votre combat et les violences que vous avez endurées afin de conserver un sens à des mots dont on fait parfois dans nos pays un usage facile ou galvaudé : droit, justice, liberté.....

    « Au nom du maître de l'âme et de l'intelligence... » Ainsi commence le prélude du Livre des Rois, l'épopée nationale persane, le Chah-Nahmé, de Ferdowsi, écrit il y a mille ans.

    Ferdowsi disait que « l'intelligence est l'œil de l'âme ». Et c'est ce regard qu'a choisi votre plume dés 1968, pour vous démarquer de vos collègues féminines qui subissaient passivement la ségrégation - sur laquelle tout a déjà été dit - ce soir.

    Ferdowsi, c'est aussi le titre du premier journal dans lequel vous avez écrit très jeune plus de 100 articles.

    En 1992, lorsque a été créé ZANAN (dont le titre est à lui seul un programme : Les femmes !), vous êtes devenue dés le 4ème numéro l'une des rédactrices et vous y avez contribué régulièrement évoquant les problèmes sociaux légaux, économiques et politiques des femmes ou encore la violence qu'elles subissent, poursuivant chronique après chronique l'analyse du système juridique en matière du droit des femmes jusqu'en 1998.

    Parce que " avez vous dit : " La question du droit des femmes est indissolublement liée aux droits de l'être humain ".

    En, l'an 2000 vous aviez déjà écrit plus de 800 articles, tous les journaux réformistes vous ont voulue comme chroniqueuse, toutes les grandes universités américaines vous ont appelée comme conférencière de YALE à BERKELEY.

    Et lorsque vous avez arrêté votre collaboration aux journaux, votre plume n'est pas restée passive puisque depuis vous avez publié presque un ouvrage par an aux éditions Roushangaran..

    De l'étude de l'image des femmes dans l'Iran préhistorique et historique ( 11 ou douze volumes parus...) à l'élimination des discriminations sexuelles au regard de la convention des nations unies sur l'élimination de toutes formes de discrimination envers les femmes, jusqu'au récent " Etude sur la violence contre les femmes en Iran «, vous avez embrassé, scruté, disséqué toutes les facettes de la condition féminine iranienne à travers les âges.

    Mais Ferdowsi disait aussi que " L'âme du poète trouve le bonheur quand le verbe s'unit à l'intelligence." Et vous vous deviez de marier votre intelligence au verbe en devenant avocate.

    C'était en 1979.

    Mais 1979 l'année de la révolution se prêtait mal à l'émergence du droit des femmes.... C'est l'année de l'éviction des femmes des juridictions qui a rendu plus difficile votre tâche car avez-vous dit : " les tribunaux civils spéciaux étaient prédominés par les juges qui n'appréciaient pas la présence des Avocats et encore moins des Avocates... "

    L'avantage d'une double carrière fait qu'il restait encore la plume puisqu'il fallait d'abord amener les femmes à prendre conscience de ce que le combat pour une loi nouvelle pouvait leur offrir la possibilité d'améliorer leur condition.

    Et vous avez fait cela tout au long de trente-trois années comme écrivain et journaliste, et pendant vingt ans comme avocat.

    Les titres de vos articles évocateurs "Vous ne ressentez pas encore la nécessité de créer des foyers ? ", "Il faut bouleverser les droits civiques iraniens", " Réconcilions-nous avec les coutumes ! » Puis, en septembre 1997  : "Il ne faut plus attendre !"

    1997 - il est vrai - était apparu comme une grande espérance : Le président Khatami avait parlé d'état de droit, de société civile, de liberté d'opinion. L'Etat allait se préoccuper des citoyens et la société iranienne se libéraliser. Et les femmes conscientes de leurs droits avaient joué un rôle majeur dans son élection. La réconciliation de l'intelligence et de l'âme, en quelque sorte.

    Mais un régime - en particulier un régime théocratique - peut-il se réformer de lui -même ? Tocqueville le disait : " Le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d'ordinaire celui où il commence à se réformer ".

     

    L'illusion fut de courte durée. Car le Président - l'ignorait-il vraiment ? - n'avait pas le pouvoir. Le pouvoir était duel mais il était encore et toujours un et ailleurs. Il relevait du Guide suprême de la révolution. Le mouvement réformiste a un cran d'arrêt : le Velayet-e-faquih. Dualité d'apparence, dédoublement schizophrène où les suffrages ne s'expriment que pour élire ceux qui n'exercent pas la réalité du pouvoir selon une constitution ou près d'un tiers des 177 articles ne se réfèrent qu'à la religion.

     

    Et la répression n'a pas manqué de s'abattre sur les écrivains, les intellectuels et les avocats. En 1998 vous êtes devenue la bête noire des conservateurs. Zanan est accusé de " préparer un complot ", de "faire le lit de l'invasion culturelle occidentale "

    Un confident du guide suprême, l’Ayatollah Khazal’i a révélé à une agence de presse que ceux qui comme vous sont considérés comme des dissidents, des digarandisham ("ceux qui pensent autrement") ne devaient connaître qu'un seul sort : " ils insultent les lois islamiques, ils participent dans les conférences pour dire n'importe quoi, tuez les partout où vous les trouverez, c'est la tradition divine immuable !".

    Dans une discussion à l'assemblée le 12 avril 1999, sur les droits des femmes un membre conservateur s'en est pris violemment à ces femmes avocats qui avaient développé toujours davantage le combat pour le droit des femmes depuis 10 ans et annonçait : "Nous allons maintenant nous occuper de ces gens nous-mêmes".

    Bien sûr les Avocates n'étaient pas nommées, mais nous, en Occident, nous connaissions déjà leur nom : Il s'agissait de vous-même et de Shirin Ebadi.

    Au demeurant la menace ne tarda pas à être mise à exécution.

    L'an deux mille. En ce millénaire finissant et à la veille de l'année du dialogue des civilisations, - qui voulait répondre au postulat de Samuel Huntington (mais en faisant la même erreur : confondre religion et civilisation) - le président Khatami, dans un discours remarqué à l'Institut européen de Florence a rappelé que l'Iran était une terre de dialogue. Mais il a précisé les limites de ce dialogue : chacun doit " respecter l'intégrité idéologique et culturelle de l'autre ", personne ne doit chercher à convaincre personne. Dialogue, parce que, disait-il, l'Iran se situe au carrefour des civilisations de l'Orient et de l'Occident, " tout comme l'homme, à la croisée où convergent le levant de l'âme et le ponant de la raison ". Or, comme l'enseignait Jean-Jacques Rousseau " la conscience est la voix de l'âme ". Et c'est cette voix là que l'on a voulu faire taire.

    Le ponant de la Raison. On ne connaît que trop la suite : en avril 2000, vous avez été invitée à participer à une conférence à l'Institut Heinrich Böll à Berlin.

    Il s'agissait d'une conférence académique. Le thème en était "l'Iran après les élections" (il s'agissait des élections législatives de février 2000). Tous les participants pensaient sincèrement qu'ils avaient l'assentiment d'in gouvernement qui se proclamait réformiste.

    Mais, qui pouvait prévoir ou maîtriser ce que pouvait inspirer un tel débat à des réfugiés politiques qui ont déjà payé de l'exil ou de leur liberté, voire du sang de leur famille, leur opposition au régime théocratique.

    Ils l'ont manifesté, il est vrai.

    Le reportage sur la conférence a été réalisé par la télévision iranienne et diffusée en Iran.

    « Celui à qui tu as accordé la raison, que lui as-tu refusé ? » dit un vieux précepte du Monajat-Namé. Peu après votre retour à Téhéran, le 29 avril 2000, vous êtes avec 16 autres participants à cette manifestation arrêtée, traduite devant une Cour révolutionnaire, puis mise au secret à la prison d'Evin.

    Atteinte à la sûreté intérieure de l'état, propagande contre la religion islamique pour avoir accusé la république d'avoir violé les droits des femmes, refus d'observer le hijab pour avoir paru tête nue dans un colloque.

    Qu'aviez-vous dit ?

    Vous aviez affirmé que "le système islamique violait depuis 21 ans les droits fondamentaux et les droits de la nation iranienne»... qu'il était "nécessaire d'examiner l'action de l'état non seulement pendant les dix dernières années, mais sur la période de 21 ans qui précèdent".

    Vous avez ajouté : "la structure juridique de l'Iran est par bien des aspects complètement opposée aux droits des femmes, celles ci n’ont aucun droit dans le domaine de la famille que ce soit en qualité d'épouse ou de mère  », ... « l'Islam prévoit la lapidation, des châtiments très lourds, l'Islam ne permet pas aux femmes d'accéder à des fonctions importantes » etc... ". Cela, c'est ce que vous n'aviez cessé d'écrire et de plaider depuis des années.

    A vrai dire ce n'était pas ces propos, que l'on poursuivait, puisque c'est sur des articles parus trente ans plus tôt que l'on vous a aussi interrogée et que même les traducteurs ou les assistants passifs du colloque universitaire de Berlin ont été arrêtés ou inquiétés.

     

    Le quartier des femmes à la prison d'Evin, vous l'avez décrit heure par heure : le tchador réglementaire de l'administration pénitentiaire, constellé, on ne sait pourquoi des balances de la justice, les hauts murs, sans lumière, la lampe blafarde, le sol des cellules avec en guise de tapis des tissus imprégnés des traces du vomi séché des précédentes détenues.

    Avec un régime discriminatoire pour les femmes qui n'ont pas droit à l'eau potable, mais, sans en être informée à une eau qui charrie des bactéries et des microbes. " Même en prison nous avions à payer pour notre sexe que nous n'avions ni voulu ni déterminé".

    Vingt minutes de promenades mais quand le décident les gardiennes : elles sont inutiles car dans la courette envahie par les bassins ou les détenues lavent leur linge, il n'y a pas la place de faire un seul pas.

    Quatre semaines de solitude, puis trois autres avec Shahla Lahiji. Là vous avez découvert la maladie. Mais aussi l'espoir.

    Celui des regards complices, les baisers secourables, furtivement envoyés, au passage par les co-détenues de droit commun, droguées ou prostituées, qui reconnaissaient en vous celle qui luttait pour d’autres femmes et contre l’inhumaine condition qui leur était faite, ou encore l'effort administratif de quelques surveillantes pour essayer de rendre moins dure l'incarcération dans le cadre du règlement, ce qui a achevé de vous convaincre que toutes, prisonnières et geôlières, n'étaient, après tout, que les victimes d'un même système.

    Il y avait au milieu de tout cela un petit espace où les détenues avaient choisi de planter des fleurs pour recréer un jardin auquel elle n'avait pas droit. Le jardin interdit où poussaient les fleurs de l'espoir, celui que chantait la poésie iranienne de Khayyam et son « zéphyr de printemps sur le front de la rose », à Hafiz, le poète de Chiraz : « Jardin, printemps et doux commerce »...

    A tel point que vous avez été heureuse qu'il n'y ait pas de glace dans les prisons pour ne pas vous voir dans cet état d'hébétude auquel on vous avait contrainte. Pourtant, dépouillée de vos vêtements, de votre personnalité, plus que jamais vous êtes-vous retrouvée face à vous-même, comme le paon du Manasvi, que Rûmi dicta à ses disciples, il y a plus de 700 ans, ce paon qui préférait s'arracher lui même ses plumes pour retrouver « la liberté et la vie », car -disait il - « seul peut être heureux celui qui possède une beauté intérieure ". Après tout ne s'agissait-il pas aussi d'une victoire remportée sur l'époque où la prison était le privilège des seuls hommes qui racontaient fièrement leurs souvenirs de détention " en se lissant la moustache " ?

    Vous aviez un avocat, mais vous ne le verrez jamais. Shirin Ebadi que vous aviez choisie n'aura elle-même jamais accès au dossier.

    Puis, pire, elle devra renoncer à vous défendre étant à son tour inquiétée pour avoir exercé sa fonction de défenseur. Elle y perdra bientôt, pour cinq ans, le droit d'exercer sa profession, C'est en Iran chose courante, il est défendu de défendre. En août 2002, on pouvait ainsi dénombrer le septième avocat en deux ans condamné à la prison pour avoir simplement voulu accomplir sa mission.

    " Je désire ce qui est juste " est-il gravé sur le tombeau de Darius près de Persépolis. Mais il n'y a pas aujourd'hui de justice indépendante et donc pas de justice en Iran. Selon la constitution de 1979 - après sa révision de 1989- le pouvoir judiciaire est présidé par une seule personne, nommée pour 5 ans par le guide suprême.

    Et c'est ce chef du pouvoir judiciaire qui établie les organisations légales juridictionnelles, prépare les projets de loi et se charge du recrutement des Juges et exerce même une ingérence dans les élections au Conseil de l’Ordre auquel il a refusé de vous accepter pour candidate. Ainsi, l’illusion réformatrice vient toujours se briser sur le pouvoir judiciaire.

    Le président de la République multiplie ses annonces de réformes mais ce sont les réformistes que poursuit une justice qui n’est pas la sienne - et qui a pris le relais des diverses polices. Et aucun pouvoir n’y peut rien. Le 24 janvier 2001, la majorité des députés du Majlis a adressé à l'ayatollah CHAROUDI, chef du pouvoir judiciaire, une motion de protestation contre le harcèlement judiciaire dont sont victimes les écrivains, les journalistes, les avocats et les éditeurs proches des réformateurs.

    Ils n'ont pas reçu de réponse.

    Ou plutôt ils en ont reçue une : la justice a fait arrêter un des signataires, député-réformateur, sous l'accusation d'injures à la justice.

    De 1997 à 2001 le pouvoir judiciaire s'est ainsi acharné sur les personnalités politico-religieuse, les intellectuels et les avocats, les étudiants, et les membres du mouvement de libération de l'Iran. Une fois encore, le Président Khatami a exprimé « ses regrets ». Sa foi dans le réformisme est une foi qui n’agit point..

    On connaît, là encore, la suite.

    Seule une formidable mobilisation de toutes les grandes ONG aidera à votre libération le 21 juin moyennant une caution de 60.000 dollars.

    Mais après la liberté sous caution, ce fut le procès.

    Il commença le 3 novembre 2000.

    Le compte rendu des 10 premières audiences nous est connu, il a été publié dans Die Zeit, mais il ne vous concerne pas.

    Personne n’a eu le droit d’assister à votre procès à huit clos. Le 13 janvier 2000, onze des 17 inculpés seront condamnés à des peines de 4 à 10 ans de prison.

    Peu importe après tout si vous êtes sortie de prison 53 jours après y être rentrée. Peu importe aussi si votre peine en appel a été ramenée à 6 mois - ce qui n'a pas davantage de signification pour nous - même si le reliquat est convertible en une amende démesurée et injustifiée.

    Qu'importe aussi qu’après une nouvelle mobilisation, tout aussi unanime, vous ayez reçu l'autorisation d'aller aux Etats-Unis pour vous soigner à l'automne 2001, car sans doute est-ce là le piège, et le piège le plus perfide, puisqu’un autre châtiment vous y attendait.

    Vous ne serez pas depuis plus de 2 mois sur le sol des Etats Unis qu’hospitalisée, vous apprendrez un jour de novembre 2001 que votre mari, âgé de 71 ans, a disparu.

    Disparu, c'est à dire que Siamak POURZAND, lui, le directeur du Centre Culturel de Téhéran, qui accueillait les artistes et écrivains de tous bords dans un véritable dialogue foisonnant des cultures, car Siamak Pourzand est un homme libre, a été enlevé le 24 novembre par une police parallèle, à 9 heures, alors qu'il se trouvait chez sa sœur âgée de 80 ans.

    Pendant de nombreux mois un silence complet a été fait sur son sort. Pendant huit mois vous ne saurez rien.

    "Dites-moi où est mon père" a supplié Azadeh POURZAND, qui n'a que 17 ans et qui connaissait une nouvelle épreuve après avoir vécu deux ans plus tôt l'incarcération de sa mère.

    On a retrouvé depuis la trace de Siamak POURZAND : le 7 mai 2002, des entrefilets de presse ont annoncé qu'il avait été " jugé " et condamné à 8 ans de prison.

    Pour l'Iran ce n'était qu'un journaliste de plus qui était condamné. On avait même connu pire. Depuis 1998, on a connu l'assassinat en série des plus grandes figures intellectuelles du pays. 30 journaux indépendants ont été interdits sans procédure. Et, l'Iran d'aujourd'hui a le triste privilège d'être la plus grande prison pour journalistes du monde. : 20 journalistes sont derrière les barreaux, soit plus du quart de ceux qui sont emprisonnés dans le monde.

    Mais pour vous la signification était autre : rançon d'une apparente indulgence donnée en gage à l'opinion publique internationale, dés votre liberté avait pour corollaire l'obligation d'être à jamais silencieuse.

    Et pour garantie, un otage a été pris pour que vous ne parliez plus.

    Ce sont les derniers mots que vous avez entendus de lui, furtifs, volés à ses bourreaux, haletants et hoquetant, sur un répondeur téléphonique "Surtout ne parlez pas".

    Se taire c'est la seule chose que l'on ne peut demander à un avocat. Les préceptes de la sagesse iranienne nous l'enseignent. A l'époque du régne de Yazdegued III, il y a treize siècles, sous la dynastie sassanide, a été écrit dans le Dâdistân-i-Mênôg-i-Xrad ce dialogue: Le sage y demandait à l'Esprit de sagesse : " Vivre dans la crainte et le mensonge est-il pire que la mort ? " Et l'esprit de sagesse a répondu : " Oui, vivre dans la crainte et le mensonge est pire que la mort "

    Pour cela vous n'avez pas accepté le silence : vous avez choisi d'en appeler à la conscience universelle. Et devant tous les journalistes assemblés vous vous êtes écriée :

    " Pour me faire taire, ils ont piégé mon mari, le père de mes enfants. Mais ils ont fait une erreur. La lutte pour la promotion de la situation de femmes à une condition humaine qu'ils ignorent plus que jamais, va continuer. Les femmes ne toléreront plus le silence et l'oppression. "

    C'était le 25 juin 2002. Quelques jours plus tard, une autre juridiction - que l'on ose appeler d'appel - s'est chargée d'examiner le cas de Siamak : sa peine a été portée de huit ans à 11 ans d'emprisonnement.

    Siamak POURZAND est aujourd'hui prisonnier de conscience autant qu'otage. Du matin au soir, c'est la raison de l'homme que l'on tourmente et son âme que l'on torture.

    Affaibli physiquement, maintenu au secret dans un lieu inconnu, violé dans sa conscience, obligé de reconnaître publiquement ses fautes et de porter des accusations contre les siens pour avoir le droit de rencontrer sa sœur, obligé de plaider coupable pour éviter la sanction suprême.

    Et, aujourd'hui, tout ce que notre pays compte de pouvoirs publics, d'autorité morale de voix autorisées devrait prendre la tête d'une campagne consistant à lancer aux autorités iraniennes : "Libérez Siamak POURZAND !"

    Dans un Iran qui compte aujourd'hui 60 millions d'habitants dont 60 % de jeune, " les femmes sont aujourd'hui devenues une force puissante et quiconque régnera sur le pays devra tenir compte de leurs revendications. " Chaque assassinat, chaque arrestation ne scande qu'une nouvelle défaite. Le Livre des Rois ne le disait-il pas, au nom du maître de l'âme ? « Quiconque n'obéit pas à la raison se déchirera lui-même par ses actions ".

    Entezâr, en persan, c'est l'attente. Celle du lendemain.

    Entezâr, c'est aussi l'archétype de l'attente, celle qui rime avec espérance : l'attente d'un avenir meilleur. Celui qu'exhalaient les fleurs du jardin interdit d'Evin. Que crépuscule de l'obscurantisme soit l'aurore de la raison. Les idées que vous avez contribué à semer habitent aujourd'hui le cœur et la raison des femmes d'Iran.

    Et l'on se prend une nouvelle fois à lire Usbek : " Que nous servent les jeunes des imâms et les cilices des mollahs ? La main de Dieu s'est deux fois appesantie sur les enfants de la loi : le soleil s'obscurcit et semble n'éclairer plus que leurs défaites ".

     

    Dans quelques instants, Madame, le plus haut magistrat de France, je veux dire le Juge qui est à la tête de la plus haute juridiction de ce pays, va vous remettre ce prix de douleurs et de larmes.

    C'est un Juge suprême qui va vous remettre ce prix, à vous, la condamnée - car vous l'avez été - à vous, la femme du condamné plus lourdement encore, qui doit désormais attendre 10 ans encore dans sa prison.

    Voyez-y un symbole.

    Parce qu'il n'y a pas d'état de droit là où n'existe ni liberté de conscience, ni liberté d'opinion, où il n'y a pas d'avocats libres et d'ordre des avocats indépendants.

    Parce qu'il n'y a pas de condamnation qui ne soit prononcée par un Juge indépendant et impartial, après que l'accusé ait bénéficié de la présomption d'innocence, et disposait d'un procès public au cours duquel ont pu être librement débattues les preuves alléguées contre lui..

    Qu'ainsi toute condamnation prononcée autrement n'est qu'une voie de fait judiciaire et pour votre mari, peut être, un crime judiciaire.

    Que de telles condamnations sont nulles et non avenues pour le reste des hommes comme toute décision rendue au mépris de la conscience universelle.

    Il est un pays où les condamnées sont les plus libres des femmes : Celui où une femme peut crier, comme plus de trois cents ans plus tôt, Zélis écrivait à Usbek : " Dans la prison où tu me retiens, je suis plus libre que toi. "

    C'est pourquoi nous vous remercions de vous avoir montré, à nous qui ne risquons rien pour nos écrits et nos discours, nous, qui sommes peu prompts à risquer notre confort pour défendre nos propres libertés, que l'on peut brandir du fond d'un cachot sans lumière et sans eau, un fanal d'espoir, quand les autres, soumis, ont renoncé.

    La force de votre raison est un grand exemple qui nous permet aujourd'hui de préserver un peu de notre âme.

     

    C'est pourquoi nous sommes fiers de vous remettre ce Prix. »

     

     

     


     

    Speech by  

    Monsieur le Premier Président Guy CANIVET

    Premier Président de la Cour de Cassation.

     

     

    « Je suis tout à la fois honoré et é d'être ce soir, dans ce lieu symbolique liberté qu'est la Maison des Avocats, modeste instrument de la remise du Prix international des Droits de l’Homme Ludovic Trarieux.

    Honoré d'abord, Madame, de vous rencontrer et de m'adresser à vous, honoré prendre la parole devant l'assemblée prestigieuse réunie pour vous rend hommage, honoré de m'exprimer après ceux qui sont à l'origine de ce prix.

    Le prix international des droits d l'homme Ludovic Trarieux, créé à l'initiative de l'Institut des droits de l'homme du Barreau de Bordeaux, à laquelle s'est ensuite associée l'Union des avocats européens, est décerné à un "avocat sans distinction de nationalité ou de barreau qui aura illustré par son œuvre, son activité ou ses souffrances, la défense de droits de l’Homme, des droits de 1 défense, la suprématie du droit, la lutte contre les racismes et l'intolérance sou toutes ses formes".

    Il rappelle le message de Ludovic Trarieux, avocat au Barreau de Bordeaux puis à celui de Paris, Sénateur, Ministre d la justice en 1895, le fondateur et le premier des présidents de la Ligue des Droits de l'Homme et du Citoyen ; celui qui "refusant toute gloire personnelle, a délibérément choisi de muer l’engagement individuel en faveur de Dreyfus en un combat collectif".

    C'est pour moi, je le dis très sincère ment, un grand privilège de remettre une telle distinction.

    Il y a quelques jours, dans ce même amphithéâtre, lors du colloque d l'Association française des femmes juristes, était rappelée la situation inacceptable des femmes dans certaines parties du monde ; le sort de toutes celles qui ne peuvent voter, auxquelles le droit à l'éducation est dénié, refusés le droit aux soins et le droit au travail, de celles auxquelles des traitements insupportables et indignes sont infligés, de celles qui sont humiliées, atteintes dans leur chair.

    Dans le confort de nos vies occidentales, il faut avoir cette réalité à l'esprit, ne pas s'y résigner, y penser toujours, en souffrir pour en faire un combat permanent.

    Nous savons bien qu'un tel engagement pour les droits de l'homme est plus que jamais nécessaire, qu'il est d'une grande actualité, nous savons bien qu'il est urgent. Comme l'a dit le Président de la République : "En matière de droits de l'homme, il ne faut jamais baisser la garde pour la simple raison que l'on recule dès que l'on n'avance pas".

     

    Dans ce combat, le droit des femmes est encore l'un des grands engagements du XXI"' siècle.

    Et, depuis la nuit des temps, il est le même. Le code d'Hammourabi, il y a environ 3800 ans, commençait par une déclaration d'intention : "J'ai établi ce code de lois pour la protection du faible devant le fort".

    C'est dire que s'il concerne tous les citoyens, le combat contre l'intolérance doit mobiliser les juristes ; d'abord les juristes, en première ligne, en avant-garde, car c'est avant tout un engagement pour le droit, un engagement pour le droit à la dignité, pour le droit à la sécurité, tout simplement pour le droit à la vie.

    Cet engagement fut, Madame, absolument, intensément, dramatiquement le vôtre.

    C'est pourquoi je m'adresse à vous avec admiration, respect et émotion.

    Votre vie, vos actions, vos prises de position, vos publications, vos enseignements, ce que vous êtes autant que votre œuvre illustrent avec éclat que, dans la lutte pour l'égalité "on ne naît pas femme, on le devient". Vos actes, vos écrits, vos déclarations montrent que la condition des femmes et que leur existence même en tant que telle est encore pour beaucoup une lutte quotidienne.

    Avocate à Téhéran en 1979, vous avez depuis lors, sans interruption, sans concession, sans renoncement, milité en faveur de l'émancipation des femmes et, de façon plus générale, en faveur des minorités. Votre adversaire est l'obscurantisme qui mène au refus de l'égalité, à l'intolérance, à l'exclusion et à la persécution.

    Militante active et consciente des risques que vous acceptez, vous affrontez tous les obstacles, vous les assumez. Ils sont réels. Réels et physiques.

    Ainsi, à votre retour d'un colloque à Berlin, vous êtes arrêtée et incarcérée, en raison de vos prises de position.

    Détenue durant deux mois dans les pires conditions, que vous décrirez de manière si intense, vous êtes libérée grâce à l'action d'organisations non gouvernementales.

    Vous avez été persécutée, persécutée seulement pour avoir émis l'opinion d'une femme libre. Vous connaissiez sans doute les risques que vous encourriez mais vous êtes avocate et militante et considérez que vous n'avez pas le droit de vous taire.

    Mais comme "se vouloir libre, c'est aussi vouloir les autres libres", votre combat continue.

    Sans doute n'imaginiez-vous pas qu'il vous faudrait aussi vous engager pour défendre votre mari.

     

    A vous, qui, au péril de votre vie et de votre liberté, agissez pour la reconnaissance des droits des femmes, à vous qui consacrez votre existence au droit et exprimez votre soutien à la liberté, à vous dont l'engagement est inlassable, par l'écrit, par la parole, par l'exemple, par la vie, devait revenir le prix Ludovic Trarieux, du nom de celui dont Clémenceau a écrit qu'il était le "Soldat du droit".

    Votre action est au cœur de notre époque, notre époque que certains qualifient de "nouveau Moyen-Age", marquée par tant de violations des droits de l'homme : liberté d'expression violée, opposants éliminés, justice arbitraire, minorités persécutées, autant de fléaux contre lesquels vous luttez. L'idée de l'homme que vous défendez est universelle, universelle comme l'est la Déclaration des droits de l'homme de 1948.

    Ce prix s'ajoute à de nombreuses reconnaissances publiques de votre action, parmi lesquelles le "Annual Democracy Award 2002", décerné par le "National Endowment for Democracy", qui vous a été remis à Washington, le 9 juillet dernier.

    Vous rejoignez aujourd'hui les prestigieux lauréats du prix Ludovic Trarieux parmi lesquels Nelson Mandela en 1985.

    Vous êtes, Madame, notre espérance en un monde meilleur. »

     


     

    Speech by  

    Mrs Mehrangiz KAR

    In acceptance of the

    7thInternational Human Rights Prize "Ludovic-Trarieux" 2002.

     

     Mehrangiz Kar

    Mr. President,

    Ladies and Gentlemen,

     

    "It is with great pleasure and distinct privilege that I accept this year's Ludovic-Trarieux International Human Rights award.  I am deeply grateful to the members of the Human Rights Institute of the Bar of Bordeaux and the European Lawyers Union who have chosen to bestow this honor on me.  However, I firmly believe that by choosing me as the recipient of this year's award you have indeed chosen to recognize the indomitable spirit of those members of Iran's Bar Association who have for years literally imperiled their own lives and liberties in order to defend the basic principles of human rights and the rights of the accused to a fair and open trial.  They have all been in the forefront of the long struggle to ensure the faithful application of the basic and internationally recognized principles of due process of law in their homeland.

     

    It is true that my husband, Siamak Pourzand, and I have alternatively been victims of trumped up charges, arbitrary arrests, incommunicado detentions, summary and closed trials, torture, forced televised confessions, imprisonment and exile in the last three years.  But, it is also true that a great many other trial and human rights lawyers have been subject to similar illegal or extralegal treatment in the hands of Iranian authorities.  Indeed, the threat of state or state-sanctioned violence constantly hangs over the head of every single human rights attorney in Iran.  My case was only one among many.  A prime example is the case of Nasser Zarafshan, one of the most prominent of Iranian trial attorneys.  His most unforgivable crime has been his decision to represent the surviving families of a number of outspoken political leaders, writers and Journalists who were victims of a series of brutal assassinations carried out by agents of the government's security agencies.  He, as many other human rights advocate, has become the victim of his insistence on the primary mission of his profession, i.e., the search for the truth and the sanctity of due process of law.  He is now  been condemned to three years imprisonment and 80 lashes.  While he languishes in Iran's notorious detention centers, even the Grievance Committee of the Islamic Consultative Assembly (Majles) has branded his trial as illegal, a declaration which will surely carry little weight with the current arbitrary and thoroughly politicized Judicial system in Iran.

    Regrettably my profound pleasure for being the recipient of your award is somewhat tempered by my deep regret for not being able to return to my native land under the continuing threats of serious reprisals against me. Indeed, My mere acceptance of your award would certainly add to the long list of accusations already leveled against me in Iran.  It was my participation in the Heinrich Boll conference in Berlin two years ago that led the government to charge me with the crime of endangering the security of the Islamic Republic.  In my paper presented in the conference, I simply had elaborated on the present legal obstacles that prevent the flourishing of democratic institutions and disallow the implementation of the basic and universally-accepted principles of human rights in Iran.

     

    Ladies and Gentlemen:

     

    These flagrant violations of the rights and liberties of human rights attorneys take place in a country where an independent bar association was established and' flourished nearly half a century ago.  In time it grew to become one of the most vital of Iran's growing institutions of civil society.  Admission to the Bar was the sole requirement for practice of law and the Grievance Committee of the Bar had the sole jurisdiction or reviewing complaints lodged against its members for professional misconduct and for expelling guilty members or temporarily suspending their right to practice.  However, with the establishment of the Islamic Republic of Iran, the Bar Association and its members became one of the primary targets of the new regime's active hostility. 

    Following the arrest and imprisonment of the Association's board of directors, nearly a hundred attorneys were arbitrarily denied the night to practice law.  The main objective of these oppressive measures was to belittle and deny the importance of legal counsel for the accused and eventually allow the revolutionary and special courts the freedom to disregard procedural safeguards and deny the accused a fair and open trial.  As a result of the widespread and severe government restrictions on the Bar and its members, Tran's vibrant Bar Association practically ceased to exist.

     

    Following the presidential election of 1997, the Bar was allowed to proceed with the election of its board of directors for the first time in nearly 20 years.  However, even this limited reprieve was offset by the adoption of new measures to curtail its legal functions and prerogatives.  The Bar, was deprived of its exclusive privilege to grant the right to practice law.  Furthermore, harassment and intimidation of its members continued by more flagrant and odious methods.  Trumped up political or professional charges, threats of suspension, and ultimately arbitrary detention, trials without due process of law, and imprisonment, all left their intended chilling effect on many a practicing lawyer.  Only those willing to endanger their own life and liberty braved the dreadful consequences and undertook the responsibility to defend citizens who were charged by the state with political or press offenses under the rubric of anti-state activities or actions intended to disturb public order.

     

    Mr. President,

    Ladies and Gentlemen:

     

    It is an incontrovertible fact that, particularly since 1997, Iran's current judicial system has become the bastion of those intent on violating the basic principles of human rights in Iran and suppressing the nascent movement towards freedom, democracy and the rule of law.  Thoroughly abdicating its primary responsibility for guaranteeing due process of law, and safeguarding the civil rights and political freedoms of the citizenry, the system has in fact become a subservient tool in the service of the executive branch of the government.  It has thus proceeded either to violate the civil and political rights of the citizens or disregard such violations perpetrated by bands of pro-regime vigilantes.

     

    Neither the Iranian press nor members of Iranian Majles have been spared the transgressions of the Judiciary.  In recent years, scores of newspapers and periodicals have been shut down and their editors and writers detained or convicted to prison terms by revolutionary or special courts and without the presence of an impartial jury as prescribed by the constitution of the Islamic Republic.  Disregarding the principle of parliamentary immunity and the principle of separation of powers, a Majles deputy was recently summoned and imprisonment merely for expressing his views in a Majles session.  A number of other deputies have been subpoenaed for similar reasons.

     

    Thus, not only the Iranian legislative body, even if willing, is constitutionally deprived of the power needed to enact enforceable laws embodying universally accepted principles of human rights.  But also, the Iranian press, in a constant and painful struggle to survive the onslaught of politicized courts on its freedoms, is rarely allowed to reveal and comment on incessant violations of these rights.  Under such circumstances, an independent bar association, could play a significant role in the continuing public struggle for the establishment of the rule of law and defense of human rights.  It is no wonder that in its determination to prevent the members of the Bar to play such a role, the Judiciary has used its considerable arbitrary powers to intimidate, silence and incapacitate them.

     

    My Distinguished Colleagues,

     

    More than any one else, you are cognizant of the historical fact that without an independent judiciary committed to the rule of law, and determined to safeguard the rights and freedoms of all citizens, the establishment of a truly just and democratic society will remain but a dream.  A bar association free from the government's political demands and oppressive threats, is surely a sine qua non for the establishment of such a Judicial order.

     

    As a member of the Iran's Bar Association whose many members have been deprived of the freedom to perform their solemn professional duties, I thank you again for your invaluable attention to our plight.  Please allow me also to assure you that your continued public expression of concern for the unbearable situation of human rights in Iran and your vigorous condensation of the Iranian government's unjustified and repressive acts against members of the Iranian Bar will not have been in vain.  I am also certain that your expressions of sympathy and solidarity will not be forgotten in the annals of the long struggle of the Iranian people for freedom and democracy.

    Je vous remercie ! "

     

    Mehrangiz KAR

    PARIS

    October 24, 2002

    Former Prize Winners

    Historical account of the Prize

    Who is Ludovic Trarieux ?





    1985

    Nelson MANDELA  (South Africa)

    1992

    Augusto ZÚÑIGA PAZ  (Peru)

    1994

    Jadranka CIGELJ  (Bosnia-Herzegovina)

    1996

    awarded jointly to

    Nejib HOSNI (Tunisia) and to Dalila MEZIANE  (Algeria).

    1998

    ZHOU Guoqiang  (China)

    2000

    Esber YAGMURDERELI (Turquie)

    2002

    Mehrangiz KAR (Iran)


    The following was the list of Jury Members :

    (in alphabetical order)

    Me Ioanna ANASTASSOPOULOU, Vice-Présidente de l’IDHAE (Athènes)

    Me Brigitte AZEMA-PEYRET, membre du Conseil d’Administration de l’IDHBB, (Bordeaux)

    Me Raymond BLET, membre du Conseil d’Administration de l’IDHBB, (Bordeaux)

    Me Valérie BRAILLON, Secrétaire générale de l’IDHBB, (Bordeaux)

    M. le bâtonnier Yves DELAVALLADE, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, (Bordeaux)

    Me Philippe FROIN, Trésorier de l’IDHBB, (Bordeaux)

    M. le bâtonnier Bertrand FAVREAU, Président de l’IDHBB, Président de l’IDHAE.

    M. le bâtonnier Georges FLECHEUX, Président de l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Paris. (Paris)

    Me Joë LEMMER, Secrétaire général de l’IDHAE ( Luxembourg)

    Madame Marie France GUET, Vice-Présidente de l’IDHAE (Paris)

    M. le bâtonnier Paul-Albert IWEINS, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris (Paris)

    Me Andréas KALOGEROPOULOS, Président de l’Union des Avocats Européens (Athènes)

    RAW Alfred KRIEGLER, Trésorier de l’IDHAE (Rechtsanwalt - Vienne)

    Me Jean-Pierre SPITZER, Directeur scientifique de l’Union des Avocats européens (Paris)

    Me Hélène SZUBERLA, Vice-Présidente de l’IDHBB, (Bordeaux) ;

     

     

     


    "The "Free Siamak Pourzand Campaign ! "

    We support the Free Siamak Pourzand Campaign"

    Please sign the petition :

     

     Excerpts from THE IRANIAN Please look at this website

    It's time
    Women in Iran fight for their rights

    Interview by J. Javid
    October 21, 1999
    The Iranian

    Mehrangiz Kar attended a conference in Washington DC, organized by the Middle East Institute on October 2. She gave a speech on the legal obstacles facing women in Iran. She gave this interview following the conference. Click to listen to responses (RealAudio, in Persian). Also see photos:

    - On determination to fight for women's rights
    - On the importance of parliamentary elections
    - On the shortcomings of President Khatami
    - On greater participation of Iranian women in politics

    - Send a comment for The Iranian letters section

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